mercredi 29 septembre 2010
Il s’agit d’un papier paru dans Libération et écrit avec Julie Majerczak.
La Commission européenne a toujours été l’amie des OGM, comme en témoignent les 125 autorisations d’importation accordées depuis 1998. Mis à part les six dossiers retirés par les industriels eux-mêmes, on ne compte absolument aucun refus en douze ans ! Les instances communautaires écartent systématiquement les objections avancées tant par les scientifiques que les autorités sanitaires nationales ou les associations de défense de l’environnement. La création, en 2002, de l’Agence européenne de sécurité alimentaire (AESA), au lendemain du scandale de la vache folle, n’a strictement rien changé à ce biais favorable aux champions des biotechnologies. Et pour cause : la Commission a peuplé l’AESA de personnalités acquises à la cause des OGM quand elles ne sont pas directement issues de l’industrie elle-même.
Nommée membre du conseil d’administration en 2006, sur proposition de la Commission et décision du Conseil des ministres, Diána Bánáti a été élue présidente de l’Agence européenne de sécurité alimentaire en 2008, puis réélue en juillet cette année. C’est en épluchant sa «déclaration d’intérêt» que José Bové a découvert le pot aux roses. Elle avait simplement mentionné qu’elle avait été «membre du comité scientifique de l’Ilsi» et juré aux députés européens «[qu’]elle n’a jamais été approchée par des lobbyistes».
«Un conflit d’intérêts scandaleux», s’emporte José Bové, qui exige sa «démission immédiate». «J’ai averti la Commission le 14 juillet, j’attends toujours une réponse.» L’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage, elle aussi députée européenne, est sur la même longueur d’ondes : «Il est choquant qu’aucun contrôle des déclarations d’intérêts ne soit effectué par la Commission européenne. Si des gens représentent l’industrie, qu’ils se présentent en tant que tel.»
Nous avons joint la semaine dernière le porte-parole du commissaire à la santé et à la politique des consommateurs, John Dali, qui n’a pas jugé bon de nous répondre. Et, aujourd’hui, en salle de presse, il s’est évertué à minimiser le rôle de Bànàti qui, à l’écouter, ne s’occupe que de la machine à café et non du fonctionnement de l’agence… Nous avons cherché à connaître son salaire pour un rôle aussi mineur, mais il nous a renvoyé sur le site internet de l’AESE. Pour lui, il n’y a aucun « conflit d’intérêts » qui tienne. Curieusement, pourtant, Bànàti a modifié, hier après-midi, sa « déclaration d’intérêt » afin de préciser son rôle au sein de l’ILSI, reconnaissant ainsi qu’elle avait bien dissimulé un élément important de sa biographie.
Depuis l’origine, les écologistes dénoncent le mode de fonctionnement de l’AESA : elle ne mène aucune étude elle-même, mais s’appuie sur les dossiers transmis par les industriels à qui il appartient de démontrer l’innocuité de leurs produits. Autre lacune de taille : aucune évaluation des risques à long terme n’est exigée. Alors que pour les pesticides, les industriels doivent tester leurs substances sur des rats durant deux ans, pour les OGM, trois mois suffisent.
La composition de l’AESA explique sans aucun doute cette coupable inclination. Car Diána Bánáti n’est pas un cas isolé. En avril, l’ancienne directrice du département OGM de l’AESA, Suzy Renckens, a été embauchée par l’agrochimiste Syngenta… L’actuel président du comité scientifique OGM de l’agence, le professeur Harry Kuiper, est, par ailleurs, le coordinateur d’Entransfood, un projet soutenu par l’UE visant à «favoriser l’introduction des OGM sur le marché européen et rendre l’industrie européenne compétitive». On comprend mieux pourquoi les avis de l’agence sont toujours positifs. Quelles que soient les objections, elle ne change pas d’avis. Ainsi, dans le cas du maïs MON 810 de Monsanto, la Commission lui a demandé à trois reprises son avis, des études récentes, notamment de l’Institut Pasteur, ayant mis en avant les incertitudes existantes sur les effets à long terme de cet OGM. L’AESA n’a pas revu sa copie.
Or, les avis de l’agence sont cruciaux, la Commission s’y rangeant dans tous les cas. Le Conseil des ministres, sur proposition de la France, a demandé à la Commission de revoir le fonctionnement de l’AESA. C’était en 2008. On attend encore.
N.B.: Il s’agit de la version actualisée d’un papier paru aujourd’hui dans Libération et écrit avec Julie Majerczak.
Voici le lien vers l’article sur Libé.fr :
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